Marché Économie
Comment le Covid-19 modifie le marché de l’immobilier | de Barbara Benini
La crise comme occasion de renouvellement, mais également comme sélection naturelle des opérateurs immobiliers. Telle est, en résumé, la conclusion de l’enquête menée par la société française du groupe CBRE sur les effets de la pandémie de Covid-19 sur le marché français, du moins en ce qui concerne les secteurs du résidentiel, de l’hôtellerie et du commerce de détail. Pour les deux premiers, les perspectives de reprise sont jugées très bonnes.
En ce qui concerne le marché résidentiel, les experts CBRE soulignent que la crise sanitaire a généré une contradiction dans l’attitude, en France, à l’égard du secteur : d’une part, une inquiétude généralisée concernant la situation sanitaire et ses répercussions économiques et, d’autre part, un besoin de logements qui n’a jamais été aussi fort qu’aujourd’hui, tout comme la demande des investisseurs.
Après une année record en 2019 et un début 2020 extrêmement prometteur, aussi bien en matière de ventes (plus d’un million dans le secteur de l’immobilier ancien) que de prix (une augmentation de plus de 4% sur tout le marché immobilier), le Covid-19 a mis en veille un marché florissant, imposant un ralentissement brusque et sans précédent des ventes et de l’ensemble des transactions. Et, si le système ne parvient pas à rattraper son retard, la perspective est une baisse de 20% sur l’année, autrement dit un retour aux niveaux d’activité de 2015.
L’enquête montre bien que cette baisse drastique affecte à la fois le marché de l’ancien et celui du neuf. Dans ce dernier cas, on assiste non seulement à la cessation des ventes mais également à la suspension des chantiers et des permis de construire administratifs, reportés à la fin du mois de juin. Résultat : pour le marché immobilier français, il est facile de prévoir une perte de productivité pendant trois à six mois et ce, précisément au moment où la disponibilité de logements neufs est déjà parmi les plus faibles jamais enregistrées, en raison d’une pénurie structurelle et préexistante de l’offre.
Les analystes estiment cependant que cette contraction généralisée n’est pas nécessairement de mauvais augure, du moins à court terme. Tout d’abord, les conditions de financement, qui sont le moteur du marché des ventes, restent bonnes pour l’instant, malgré la hausse des taux d’intérêt appliquée par les banques. Si, après le confinement, ces dernières ne durcissent pas trop les conditions d’accès au crédit, selon l’enquête, les ventes devraient repartir et rattraper, au moins en partie, le retard accumulé au printemps.
Le seul véritable point critique, pour l’instant, semble être l’immobilier haut de gamme, qui reste plus sensible à la situation économique que la moyenne du marché : les acheteurs de ce type d’immobiliers, plus que les autres, suivent les tendances économiques, dans un sens comme dans l’autre. Et il y a actuellement quelques tensions dans ce segment de marché.
À l’inverse, une fois de retour à la normale, l’activité sur le marché de l’immobilier ancien devrait être soutenue par la pénurie chronique de l’offre de logements neufs, car on n’a pas assez construit ces dernières années et le retard accumulé augmentera la pression de la demande. Ainsi, selon les analystes, si les promoteurs immobiliers traversent actuellement une période difficile, la fin de la crise devrait être favorable à ceux qui ont su préserver une offre de qualité.
De leur côté, les ventes se sont considérablement développées pendant le confinement, et en maintenant des prix élevés, car de nombreux compromis, qui avaient été établis avant l’enfermement, ont été signés.
Les analystes semblent trouver très intéressantes les possibilités d’investissement qui pourraient s’ouvrir après le confinement, surtout pour les investisseurs institutionnels qui voudraient proposer des logements à louer, d’autant plus que l’investissement résidentiel représente environ 10 % du marché total des investissements en France, contre 30 % au Royaume-Uni et aux États-Unis et 40 % en Irlande. Il y a donc énormément d’espace à conquérir sur un marché français encore pratiquement dépourvu d’offres locatives de la part des investisseurs institutionnels et le moment que nous vivons pourrait bien être le déclencheur, à condition que ces acteurs soient capables de développer une offre adéquate de logements plus proches des standards internationaux, ou mieux adaptés aux besoins des différentes catégories de population (étudiants, travailleurs, personnes âgées).
La crise actuelle montre la nécessité cruciale de proposer à la catégorie la plus fragile de la population des logements adaptés à ses besoins mais également et surtout une gestion plus humaine de l’immobilier. Alors, l’occasion pour les opérateurs immobiliers de relancer leur activité et de battre la concurrence, la voici : ceux qui auront su mobiliser leurs équipes et offrir des services et une assistance à leurs locataires sortiront certainement renforcés de cette crise. Les autres, en revanche, paieront pour l’approche un peu trop financière de leurs modèles économiques. La qualité des opérateurs sera, en tout cas, plus que jamais au centre des enjeux du marché immobilier de l’Hexagone.
Bien sûr, la crise actuelle est sans précédent également dans le secteur hôtelier et le confinement a entraîné une suspension des activités qui aura (et a déjà) de fortes répercussions en matière de revenus. Cependant, les expériences précédentes, notamment celle de la crise de 2008, ont permis au secteur de développer sa capacité à gérer les crises et à s’adapter aux changements de la demande en temps réel. Ce qui est un avantage incontestable dans la situation actuelle.
Côté reprise des activités d’hébergement, et compte tenu de facteurs clés tels que l’évolution de l’épidémie, ses retombées économiques et la nécessité de maîtriser la méfiance des clients (qui soulèveront le problème de l’assainissement des environnements dans lesquels ils seront hébergés), le secteur pourra facilement remonter la pente à condition de miser sur les services haut de gamme et les clients domestiques, mais côté investissement, pour cette tranche du marché immobilier, la crise ne fera qu’accélérer les situations existantes. Il est certain que le confinement a entraîné un ralentissement des ventes et que le secteur souffre d’un manque préexistant d’investisseurs. Mais ceux qui étaient actifs ces derniers mois n’ont pas perdu leur intérêt pour la construction d’hôtels et ils se sont tournés vers de nouveaux segments du marché jugés plus rentables. Cette tendance devrait se poursuivre après la fin de l’urgence, ce qui, conjugué aux allègements fiscaux prévus par le gouvernement, contribuera certainement à la reprise. En bref, si ceux qui étaient déjà en difficulté en raison d’une mauvaise gestion ou d’un endettement excessif ne survivront pas, tandis que les opérateurs vertueux auront une excellente occasion de relancer leur activité.
Enfin, le secteur commercial : les investisseurs devront faire face au problème des loyers, qui devront certainement être revus sur la base des nouvelles exigences des magasins. Les analystes estiment que, bien que la confiance des investisseurs ait été fortement affaiblie par les événements récents, avec pour conséquence une nouvelle réduction des transactions dans les centres commerciaux, ils pourront sortir de la crise en se concentrant fortement sur les baux et en saisissant l’occasion pour restructurer les parties les plus fragiles de leurs actifs immobiliers ou pour obtenir des financements qui pourront être utilisés par certaines marques pour refinancer leurs activités.
COVID-19 ET MARCHÉ IMMOBILIER
Focus sur le résidentiel, l’hôtellerie et le commerce de détail
https://www.cbre.fr/fr-fr/etudes/conferences-audio
Juin 2020